Vous dites que l’observation est la pierre angulaire de la pensée montessorienne. Concrètement, que signifie observer son enfant ?
C’est prendre une attitude contemplative (sauf bien sûr si l’activité comporte un risque) afin d’avoir le recul nécessaire pour ne pas agir trop spontanément. Essayer de comprendre ce que l’enfant exprime est une source d’inspiration inépuisable pour savoir ce qu’on peut lui proposer comme découverte. Se laisser diriger par l’instinct de l’enfant est si riche !
Vous parlez d’une première étape, « savoir s’observer soi-même » ? Que voulez-vous dire ?
Qu’il faut savoir appuyer sur pause ! Prendre régulièrement le temps de porter un regard sur soi et sur la façon dont on agit vis-à-vis de l’enfant est prioritaire. Cela permet d’identifier nos automatismes, nos principes, nos habitudes, nos reproductions inconscientes… et de réfléchir à l’impact de nos paroles sur un esprit en construction. Ce qui est essentiel c’est de ne jamais oublier que notre mission est avant tout d’être un exemple ! « Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde », disait Gandhi, autrement dit, incarnons ce que nous voulons transmettre.
Après l’introspection, place à l’action : il s’agit de déterminer des points d’amélioration précis. Il est important de choisir ses batailles, on ne peut pas tout faire à la fois. Cette prise de recul est indispensable pour faire progresser le bien-être de l’enfant… tout comme le sien. Il nous faut aussi accepter de ne pas être un parent parfait !
« Observer est un art », c’est vous qui le dites : comment trouver le bon équilibre ?
Nous ne sommes pas spontanément observateurs. C’est une décision à prendre, une véritable démarche qui demande un entraînement le plus régulier possible. Bien sûr, plus on s’entraîne mieux on observe. Il faut se lancer et se faire confiance pour trouver le rythme d’observation qui convient le mieux.
Des idées pour se donner un coup de pouce dans l’observation ? Accrocher dans la maison des post-it « J’observe » ; en classe Montessori, on note les observations, on peut faire de même à la maison si le support écrit est une aide, ou alors filmer son enfant avec un smartphone, prendre des photos ou même dessiner… Autant de moyens pour se poser et observer les gestes, remarques et découvertes de son enfant.
L’observation peut aussi être active : même en pleine action, on peut cultiver la capacité d’observer son enfant et ainsi mieux comprendre et suivre ses initiatives.
Vous dites que Maria Montessori distinguait l’aide utile et de l’aide inutile de la part des adultes, pouvez-vous nous donner des exemples ?
Avez-vous déjà remarqué que certains enfants, lorsqu’ils tombent ou n’arrivent pas à ouvrir un robinet par exemple, se mettent à pleurer uniquement s’ils sentent le regard inquiet d’un adulte prêt à bondir à leur secours alors qu’ils ne le font pas dans le cas contraire ? D’autres pleurent mais s’arrêtent si personne ne vient ? Ils expriment le besoin qu’on fasse attention à eux, certes, mais n’ont pas toujours besoin d’aide.
L’idée est de ne pas apporter son aide dans la précipitation et de s’interroger : « Est-ce que mon enfant a besoin que je bondisse dès qu’il exprime une difficulté ? Et dans ce cas précis, est-ce vraiment nécessaire ? » En l’assistant systématiquement, on risque de lui donner l’habitude d’être assisté et cela peut créer de la dépendance. Toute aide inutile, même si elle part le plus souvent d’un bon sentiment, freine le développement et l’autonomie de l’enfant : elle crée une dépendance et l’entretient. Il en est de même pour les récompenses. Si elles sont automatiques, cela peut détourner la motivation première de l’enfant et limiter son champ d’exploration. Exerçons-nous à jauger l’aide que nous apportons à nos enfants : « Mon intervention est-elle vraiment utile ? Comment puis-je le soutenir indirectement… ? Peut-être en agissant en périphérie plutôt que directement… ? » Maria Montessori écrivait dans L’enfant et la famille : « Nous devons aider l’enfant à se défaire de ses défauts sans lui faire percevoir sa faiblesse. » N’oublions pas que la confiance en soi de l’enfant est un trésor à préserver.
Comment lui donner des outils pour grandir en toute autonomie ?
Si c’est toujours l’éducateur qui corrige, évalue et dirige l’activité de l’enfant, celui-ci ne prend pas l’habitude de faire les choses pour lui, ni de s’auto-évaluer. Il peut alors avoir du mal à savoir où il en est sans le regard extérieur et prend moins confiance en lui.
Pour gagner en autonomie, l’autocorrection est fondamentale : elle donne à l’enfant l’habitude de recommencer quand il n’a pas fini ou qu’il n’a pas réussi. Naturellement, il s’automotive pour résoudre une difficulté. L’erreur et le tâtonnement sont alors perçus comme des étapes vers la réussite. L’enfant ajuste ses réactions et pose de nouvelles hypothèses, en d’autres termes, il exerce son intelligence. Plus il est actif dans ses apprentissages, plus ceux-ci sont fructueux.
Doit-on pour autant arrêter de le soutenir ou de le complimenter ?
Bien sûr que non ! Tout est dans la mesure. Au lieu de dire « Bravo », vous pouvez par exemple compléter ce « Bravo » d’un : « Tu dois être content de toi ! » Il faut aider l’enfant à prendre conscience que cette satisfaction est en lui et vient de lui (en tant que parent, quand on est content c’est pour lui et il faut lui transmettre ce message). Ou d’autres phrases du type : « Je suis content que tu m’aies rendu service » ou « Ton dessin me plaît. Et toi qu’en penses-tu ? ». Encore une fois, faites-vous confiance, vous trouverez vous-mêmes les formules les plus adaptées pour accompagner et encourager votre enfant positivement sans le surjouer.
*« Montessori de la naissance à 3 ans – Apprends-moi à être moi-même » et « Apprends-moi à faire seul, la pédagogie Montessori expliquée aux parents » (Éditions Eyrolles). Charlotte Poussin est éducatrice Montessori depuis 2000, diplômée de l’Association Montessori Internationale. Elle a travaillé en Argentine, au Brésil, en France et au Canada. Autrice d’ouvrages et de coffrets autour de cette pédagogie, elle applique aussi les principes montessoriens avec ses 5 enfants.
Par Marie-Hélène
Passionnée par la pédagogie Montessori, Marie-Hélène est autrice de la collection Balthazar.