Quelle place accorder à la méditation dans ma pratique de Yoga ?

“Dyana” : la méditation, un des huit piliers du Yoga

D’après les Yoga Sutras de Patanjali, qui a codifié le Yoga il y a plus de 5 000 ans à travers une série d’aphorismes interprétés depuis par de nombreux spécialistes, le Yoga est constitué de 8 branches fondamentales qui le définissent.

Les Asanas, postures de Yoga, forment par exemple un pilier, mais ce n’est qu’une part infime du sujet puisqu’il existe 7 autres piliers comme les Yamas / Niyamas (codes de conduite envers soi-même et envers les autres), le Pranayama (contrôle de la respiration), Pratyahara (le retrait de sens) ou encore Dharana (la concentration) et Dyana (la méditation). Tous ces piliers conduisent vers l’étape finale, le Samadhi : libération de l’égo par l’Être qui, dans un état de contemplation profonde, ne fait alors plus qu’un avec le tout, le divin.

Les postures ne représentent donc qu’un aspect “minime” de la pratique, elles sont en vérité une porte d’entrée vers la méditation : le septième membre du Yoga. Cela signifie que si le but d’une pratique est de développer sagesse et tranquillité, alors la méditation est nécessaire car c’est elle qui conduit à l’absence de désir, responsable de la souffrance (après que Bouddha eut renoncé à sa vie mondaine et atteint l’Éveil spirituel, il enseigna l’essence de sa doctrine sous la forme des Quatre Nobles Vérités. D’après la deuxième noble vérité, le cœur de toute souffrance est non pas le désir en tant que tel, mais l’attachement au désir) ; mais aussi la dissolution de la colère, de la paresse, du doute, de l’agitation et des remords, qui constituent l’essentiel des fluctuations du mental.

Méditer conduit donc à un état de joie pure et de contentement absolu. Ce serait bien dommage de s’en passer 🙂

Tout est méditation… ou presque

Pour beaucoup d’occidentaux étrangers au phénomène, la méditation consiste à rester parfaitement immobile en fixant son mental sur une idée ou un concept, pour d’autres il s’agit de totalement cesser le flux de ses pensées… quand ce n’est pas une pratique mystique et transcendantale. La réalité est en fait tout autre…

Arrêter de penser est impossible. En revanche, il est possible d’observer le mouvement permanent de ses pensées, pour finalement s’apercevoir qu’en fixant notre attention dessus, ce mouvement finit par s’atténuer. Mais les pensées ne sont qu’un objet de méditation possible parmi tant d’autres… La pleine conscience, abordée entre autres par le psychiatre et psychothérapeute Christophe André, consiste à faire l’expérience de ce qui se déroule ici et maintenant, que l’on soit en train de marcher dans la rue ou bien assis dans le silence d’un monastère… Cela ne fait aucune différence, du moment que l’attention est fixée sur le présent et non plus dans l’anticipation du futur ou la mémoire du passé, toutes deux sources d’angoisse et de souffrance.

Dans la pratique des Asanas, l’attention doit également être fixée sur le moment présent, c’est ce que l’on appelle “faire l’expérience” de ses postures. Observer les sensations, les émotions, les réactions du mental et du corps, la respiration… Tout ce qui est là, ici et maintenant, et qui forme un tout entre ce que nous avons à l’intérieur et ce qui se déroule à l’extérieur. La pratique des postures physiques est donc déjà une méditation en soi. On pourrait donc s’en contenter, puisque en faire l’expérience au quotidien est déjà grandement bénéfique – réduction du stress, meilleure qualité de sommeil, plus grande capacité de concentration…

Néanmoins, la méditation telle qu’elle a été transmise par les premiers moines bouddhistes consiste justement en une absence totale d’attention… Et pour ce faire, rester assis dans à la fois l’immobilité et l’impermanence les plus absolues qu’il soit, est indispensable. 

Tapas : la discipline (mais pas trop…)

Il était impossible, à l’époque où cette discipline a été définie pour la première fois, de traduire littéralement le sens du mot “Dhyana”, en sanskrit. ”Méditation”, comme cela a donc été traduit, pourrait sous-entendre à tort qu’une activité mentale persiste alors qu’en réalité, rien ne subsiste à Dhyana : c’est un état de pure conscience qui n’est pas définissable, puisque rien et tout à le fois se produisent en elle. Tous les processus stoppent, contrairement à la concentration où l’on demeure concerné par quelque chose.

Pour accéder à ce vide intérieur, les Yoga Sutras de Patanjali nous apprennent qu’il faut faire preuve de discipline – “Tapas”,  littéralement “austérité” en sanskrit, est l’un des cinq Niyamas évoqués plus haut. Austérité n’a rien à voir avec le fait de s’infliger un mode de vie strict ou douloureux – générer des frustrations obtiendrait l’effet inverse – mais simplement que le corps doit passer à travers une discipline pour être purifié. Cette discipline devra être pratiquée non pas de manière sérieuse – car le sérieux relève en vérité de l’égo – mais sincère, dans la juste mesure, en prenant plaisir à fournir ces efforts-là. Car quand les efforts sont sincères et que vous appréciez le travail que vous faites, en l’occurrence celui de la méditation, alors vous bien êtes sur la voie de l’éveil.

« Le yoga, ô Arjuna, n’est pas pour qui mange trop ni pour qui ne mange pas du tout, ni pour qui a l’habitude de trop dormir ou qui (au contraire) demeure (toujours éveillé). Qui règle convenablement ses repas et ses délassements, ses efforts dans l’action et la part qu’il fait au sommeil et à la veille, à celui-là appartient le yoga destructeur de la souffrance. Quand l’esprit discipliné demeure uniquement fixé en (lui-même) dans le Soi et que l’on est dépris de tous les désirs, c’est alors qu’on (mérite) d’être dit « discipliné et unifié ». Extrait de la Bhagavad Gîta (VI-16-17-18).

À chacun donc de trouver sa voie du milieu dans une démarche juste, humble, sans violence ni jugement afin de devenir la meilleure version de lui-même, pour qu’il puisse à son tour inspirer et mettre les autres sur la voie.

En pratique…

Vous pouvez ouvrir vos séances de Yoga par une méditation par exemple basée sur la respiration, en suivant simplement le rythme du souffle, sans essayer de respirer d’une certaine façon mais en laissant au contraire la respiration se dérouler naturellement. À chaque pensée qui se manifeste, vous revenez simplement au souffle sans juger – même si il faut faire cette manœuvre continuellement. Observez votre posture, le contact avec le sol, le contact avec l’air, la cambrure naturelle du dos, l’alignement des épaules… Petit à petit, vous tournez votre attention vers l’intérieur, sans essayer de changer quoi que ce soit.

Quand vous avez trouvé un peu de calme et que vous sentez que c’est le moment, placez alors une intention à votre pratique, ce vers quoi vous avez envie de diriger vos efforts, votre énergie – cela peut-être pour vous, ou bien pour quelqu’un d’autre. Tout au long de votre pratique, vous pourrez à tout moment et chaque fois que vous en sentirez le besoin vous tourner vers cette intention, ce sera la raison pour laquelle vous pratiquerez, une source de courage et de joie.

Une fois votre pratique et relaxation finale terminées, observez de nouveau un moment pendant lequel votre attention sera uniquement tournée vers l’intérieur. Contemplez les sensations liées à votre séance de Yoga, la différence entre votre corps maintenant et votre corps avant de pratiquer, faites simplement l’expérience de votre présence quelques instants. Saluez votre intention une dernière fois, transmettez éventuellement votre énergie à quelqu’un ou bien quelque chose qui vous tient à cœur en ce moment…

Vous êtes évidemment libre de faire durer ce moment autant de temps que vous le souhaitez.